Smile, like you mean it / Evan

C’est avec un léger sourire aux lèvres que Veronica quitte son domicile. D’un coup d’œil, elle vérifie qu’elle n’oublie rien, puis verrouille sa porte à double tour. Non pas qu’il y ait la moindre menace dans le ciel bleu de Shady Cove, mais plutôt par habitude. La vie ici est paisible, un peu trop parfois à son goût. Mais le changement n’a jamais fait de mal à personne. Surtout pas à elle qui s’adapte avec une facilité certaine. D’un signe de main, elle salue l’un de ses voisins, puis se remet en route. Veronica se sent dans son élément, elle se donne entièrement à son personnage, à cette image lisse qu’elle donne et cette discrétion qui lui permet d’entendre en général ce qu’il se passe. Il n’y a absolument rien d’autre que son travail dans son esprit. Il n’y a toujours eu que cela depuis le premier jour où elle a posé le pied dans le hall d’entrée de la maison d’Editions de son père. Une maison d’Editions qu’elle reprendrait peut-être un jour, qui sait…

En attendant, c'est autre chose que la jeune femme a en tête : l'extrait du manuscrit que son poulain lui a amené la veille. C'est justement chez lui qu'elle se rend, avec ses notes, ses remarques et ses idées, enfermées bien soigneusement dans son porte-document. C'est quelque chose qu'elle apprécie beaucoup faire, débattre, échanger des idées, trouver des solutions. Son travail lui plaît énormément. Sinon, jamais elle ne s'investirait autant, au point de changer sa vie de A à Z. Bientôt, la brunette aperçoit la maison de l'auteur.

Evan Baker. Veronica ne le considère pas à proprement parlé comme un homme, ou comme un être vivant avec ses besoins, ses envies et son rythme. Elle ne voit en lui que l’écrivain talentueux qu’il est. Elle s’arrête uniquement à cette force encore brute qu’il faut dompter et recadrer, pour en tirer quelque chose de viable. Il est capable de grandes choses, elle en est persuadée, et son rôle à elle est de le pousser à donner le meilleur de lui-même. C’est ça, sa mission, la raison pour laquelle elle s’est installée dans cette petite ville depuis quelques mois déjà. Il allait renouer avec le succès et la gloire dans un avenir proche. La jeune femme, quant à elle, n’y goûtera pas, mais être dans la lumière, ça n’a jamais été son but. Cela dit, sa satisfaction n’en sera pas amoindrie. Au contraire. Agir dans l’ombre, tirer les ficelles, lui convient à merveille. Sans compter sur le fait que son paternel sera extrêmement fier du travail accompli et de ses performances.

C'est énergiquement qu'elle frappe à la porte. Veronica l'a prévenu qu'elle passerait dans la matinée et elle compte bien rester tout le temps nécessaire. Elle ajuste la bretelle de son chandail, revêt un sourire charmant (a)

Un léger sourire sur les lèvres, Veronica fait preuve d'une patience exemplaire devant la porte de l'écrivain. Elle semble heureuse, épanouie. Pas tant par le lieu, mais surtout grâce à son travail qu'elle fait avec plaisir chaque jour que Dieu fait et sans jamais décrocher. Il y a fort à parier qu'elle ne sera jamais une femme d'intérieur. En revanche, si elle continue avec la même assiduité, elle parviendra à faire une belle carrière, que ce soit, ou non, dans l'entreprise de son père. Il occupe une grande majorité de son esprit, de son temps. Elle ne décroche que très rarement et toujours pour une période limitée. La preuve la plus flagrante est sans doute ledit emménagement. Il n'y a pas tout le monde qui irait jusqu'à quitter sa vie, son nid pour accomplir au mieux ses tâches professionnelles.

Ses pensées sont balayées lorsque la porte s'ouvre. Si Evan l'avait oublié, il en aurait payé le prix fort. Heureusement pour lui, cette question ne se pose pas ! La jeune femme est réellement ravie de le voir. Ils vont pouvoir, sans tarder, s'atteler à la tâche. Ce futur livre est surement aussi important pour lui qu'il l'est pour elle. Même si les raisons sont toutes différentes.

- Bonjour, et merci ! lance-t-elle en réponse, ne se faisant pas prier pour rentrer. Elle a déjà eu quelques occasions de se rendre chez lui et, finalement, ne se gêne pas tant que cela. Si le courant ne passe pas extrêmement bien entre eux, la jeune femme fait mine de ne pas s'en apercevoir, la plupart du temps. Et puis, après tout, ça ne rentre pas en ligne de compte.

- Alors, bien dormi ? En forme pour ce qui nous attend ? demande l'éditrice, uniquement dans un souci de bienséance ainsi que de suivre un minimum les conventions sociales. Si ça ne tenait qu'à elle, si elle ne faisait pas d'efforts, elle commencerait sans préambule. Mais autant caresser dans le sens du poil, faire dans la dentelle. Après tout, ce qui s'annonce ne sera pas forcément facile, ni pour l'un, ni pour l'autre. L'important étant qu'ils sortent en étant à nouveau sur la même longueur d'onde - si tant est qu'ils l'ont déjà été...

La jeune femme prend son porte-document, l'ouvre pour en sortir l'extrait ainsi que ses notes.

Ils devraient pourtant s'entendre. Sans mentir, Veronica et Evan ont un certains nombre de points communs et pourtant, on ne peut pas dire que ce soit réellement le grand amour entre eux. De son côté, la brunette est réputée pour avoir un coeur aussi froid que la glace - ou en tout cas, c'est ce qui ressort le plus souvent. Peut-être est-ce lié. Ou alors c'est uniquement à cause de la relation professionnelle qui les lie tous les deux. Ils vont d'ailleurs faire un malheur, elle en est persuadée.

Lire est une de ses activités favorites. C'est donc avec un certain plaisir qu'elle s'est attelée à cette tâche la veille, dans l'optique de rencontrer Evan aujourd'hui. Sans ambiguïté aucune, ce sont toujours des moments qu'elle attend avec impatience. Le plus jouissif est certainement de deviner l'impact que les rumeurs lancées par ses soins peuvent avoir sur les écrits du garçon. Elle se sent utile, ou en tout cas sur la bonne voie pour arriver à leur fin. Leur destin est, à ses yeux en tout cas, lié - au moins jusqu'à la parution du livre.

Son sourire s'élargit lorsque l'écrivain répond à la question. Il cache sa joie à merveille (a) Sans doute est-elle persuadée qu'il exagère un peu et qu'ils vont bien s'amuser. Ce n'est pas impossible qu'ils ne partagent pas la même définition du mot.

Toujours. s'exclame-t-elle, le suivant dans le salon. Alors qu'il se dirige vers la cuisine, Veronica prend place, posant son porte-document sur la table basse. Volontiers un verre d'eau. reprend-t-elle, relevant brièvement les yeux. Puis, elle reporte son attention sur l'extrait du manuscrit qu'elle feuillette brièvement.

La jeune femme profite du court laps de temps pendant lequel Evan est occupé pour discuter sur le ton de la légèreté.

Ca m'impressionnera toujours la vitesse à laquelle les rumeurs se propagent ici... Vu ce que j'ai entendu ces derniers temps, ça doit bien t'aider pour la suite, non ? demande-t-elle, l'air de rien, comme si elle n'était qu'une auditrice parmi tant d'autres et qu'elle n'avait rien à voir avec les bruits circulant en ville... Voyons, qui ferait une chose pareille (a)

Avoir une conscience, à quoi est-ce que cela sert ? Ce ne sont pas les gens qui en ont qui réussissent le mieux dans la vie. Veronica a des principes cependant, elle est considérée comme bien éduquée, intelligente, les scrupules lui manquent peut-être. Ses méthodes ne sont pas toutes très catholiques. Mais personne, pour l'instant en tout cas, n'a tenté de la faire revenir sur terre. Ce jour viendra éventuellement. Et, avec un peu de chance, on parviendra à lui inculquer des valeurs un peu plus... réelles. En attendant, la brunette n'a pas conscience une seconde de ses torts. Et ce ne sont pas les remarques ou l'expérience d'Evan qui vont y changer quoi que ce soit.

Leur relation de travail ne pourrait pas être mieux, aux yeux de Veronica. Le courant passe, ils ont cette même envie et cette même passion des livres. Faisant comme chez elle, la jeune femme s'installe sur le canapé et l'attend patiemment. Rapidement, elle entame la discussion sur le thème principal qui les intéresse tous les deux : les rumeurs. Veronica n'avoue pas une seconde son implication et pourtant, Evan n'est pas complètement stupide, il voit très clair dans son jeu. Il est d'ailleurs bien le seul. Surement parce qu'ils se sont connus avant son arrivée à Shady Cove. Sa nouvelle personnalité ne peut pas le tromper.

C'est le propre des petites villes; ils s'ennuient, alors ils papotent sur les autres. On n'y peut rien elle hausse les épaules, l'air de rien, comme si ce n'était en rien sa faute. Cependant, le sourire qui s'affiche ensuite sur le coin de ses lèvres traduit bel et bien son petit manège, tout comme la satisfaction qu'elle a à évoquer ce petit rôle qui lui tient tant à coeur. si Veronica agit ainsi, c'est uniquement pour Evan. Elle ferait n'importe quoi pour lui, pour son livre....

L'éditrice murmure un merci lorsqu'il apporte l'eau. La journée commence à merveille. Gardant un sourire aux lèvres, elle ne répond pas immédiatement à sa question mais en profite pour aborder un autre sujet :

Il serait peut-être temps de se tutoyer, non ? Certes, ils ne sont pas vraiment amis, ils collaborent. Mais peut-être que ça passera plus inaperçu si on les considère juste comme des collègues. Je t'ai fait des annotations. Mais, dans l'ensemble, c'est bien. Ca manque encore un peu de profondeurs, mais ça va continuer de se construire avec la suite, j'imagine.. ?

Elle a hâte, de voir son œuvre s'achever. Si Veronica fait mine d'être on-ne-peut-plus sérieuse, et professionnelle, elle ne peut pas cacher entièrement son excitation vis-à-vis de ce bouquin.

Ils réussiront, ou échoueront ensemble. Leurs carrières respectives sont liées. Veronica, de son côté, pourrait sans doute bénéficier d'une seconde chance de part son statut de fille du directeur. Mais elle ne l'accepterait pas si elle rate cette mission si importante. Grâce à elle, à son intervention, son installation dans cette ville et son double-jeu, ils devraient rapidement bouclé ce dossier. Il est la seule raison de sa présence à Shady Cove.

On sentirait presque une note de désaccord dans la voix de l'écrivain, lorsqu'ils abordent le sujet des rumeurs. Veronica se contente de jouer les ingénues, comme si elle ne savait pas ce qu'il se trame, comme si elle était étrangère à toutes ces rumeurs qui courent. Pour la plupart, c'est vrai, elle essaie simplement d'y mettre son grain de sel. Par contre, quelques unes émanent directement de sa personne. Il suffit de donner une information, un doute, une petite histoire, à la bonne personne pour que la réussite soit immédiate. Voilà pourquoi il est important de nouer des liens...

Mais ça t'aide... Tu peux l'avouer. elle n'est pas décidée à avouer à voix haute le rôle qu'elle s'efforce de jouer. En revanche, elle rêve d'entendre de la bouche d'Evan une sorte de remerciement. Un aveu, qu'il avoue que son aide lui est précieuse. C'est prétentieux de sa part, il n'y a aucun doute là-dessus et c'est sans doute exagéré puisqu'il s'en sortait déjà bien auparavant. Juste, pas suffisamment vite. Il peut faire toutes les allusions qu'il voudra au sujet de son manque de tact, et des rumeurs, elle y restera sourde. Butée la petite. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres, elle est on-ne-peut-plus ravie qu'il accepte de passer au tutoiement.

Il faut juste la remanier. Enfin, je t'ai déjà donné mon avis là-dessus.

Commente simplement Veronica. Ce n'est pas toujours évident, de faire ce qu'elle fait, son travail. Surtout pour quelqu'un qui est aussi enthousiaste, de nature, par la littérature. Les livres sont sa passion. Mais elle se doit de garder la tête froide, de rester objective et de ne pas montrer ses émotions.

Au fait, pour ma crédibilité, il vaudrait peut-être mieux qu'ils ne sachent pas ce que je fais comme job Demande la brunette, cherchant, quelque part, son approbation. Il faut qu'ils se mettent d'accord. Une bonne diversion en attendant que le garçon lise et prenne en compte ses annotations. Mine de rien - même si c'est un sentiment ridicule compte tenu de la situation et du fait qu'Evan ne la supporte pas beaucoup - Veronica se sent proche de lui, presque complice... Après tout, ils partagent des secrets.